Dans l’ère de l’intelligence artificielle générative (GenAI), la souveraineté numérique ou souveraineté des données est confrontée à de nouveaux défis, notamment en raison de la façon dont les réseaux neuronaux absorbent et traitent les informations. Les modèles GenAI sont formés à partir d’énormes ensembles de données, et ces données s’intègrent dans leurs paramètres, ce qui rend difficile le contrôle ou l’isolation des données d’origine, en particulier les informations personnelles sensibles. Je l’explique en 5 points
Réseaux neuronaux et absorption des données : Une préoccupation majeure est que lorsque les réseaux neuronaux ingèrent des données, ces informations sont intégrées dans les poids et les biais du modèle. Cette absorption rend difficile la distinction ou l’extraction de données spécifiques, surtout lorsqu’il s’agit d’informations personnellement identifiables (PII). Même si les données sont supprimées ou anonymisées à la source, le modèle peut toujours générer des résultats qui reflètent involontairement des informations sensibles provenant de l’ensemble de données d’apprentissage, compromettant ainsi la souveraineté des données.
Régénération accidentelle de données sensibles : Les modèles GenAI n’ont pas de mécanisme infaillible pour empêcher la régénération de données qui pourraient contenir des informations personnelles. Étant donné que les modèles sont conçus pour générer de nouveaux contenus basés sur les schémas qu’ils ont appris, il y a toujours un risque que des informations sensibles apparaissent. Par exemple, si un modèle a été formé à partir de dossiers médicaux ou de transactions clients, il se peut qu’une requête conduise involontairement à la recréation d’informations privées. Cette incapacité à garantir que les données resteront privées complique davantage les efforts de conformité aux lois sur la souveraineté des données, qui visent à protéger les informations des individus.
Contrôle juridictionnel et conformité : Dans ce contexte, la conformité aux lois sur la souveraineté des données devient plus complexe. Les cadres traditionnels de souveraineté des données reposent sur le contrôle du lieu où les données sont stockées et traitées, mais lorsque les données sont absorbées dans l’architecture d’un réseau neuronal, cette frontière devient floue. Les pays ayant des lois strictes sur la confidentialité des données, comme ceux de l’Union européenne, rencontrent des difficultés à appliquer ces réglementations si le modèle d’IA a déjà intégré les données.
Localisation des données et enjeux transfrontaliers : Les lois de localisation des données, qui exigent que les données restent à l’intérieur des frontières nationales, peuvent ne pas suffire à empêcher la fuite d’informations sensibles à travers les résultats générés par l’IA. Bien que les données puissent être physiquement stockées dans un pays, les modèles GenAI formés à l’échelle internationale pourraient toujours produire des résultats révélant involontairement des informations locales ou privées, rendant plus difficile l’application de la souveraineté sur ces données.
Implications éthiques et de confidentialité : La capacité des modèles GenAI à régénérer des données sensibles soulève des préoccupations éthiques et de confidentialité majeures. Si un modèle génère un résultat contenant des fragments de données personnelles ou d’informations propriétaires, cela pourrait enfreindre les lois sur la confidentialité, violer la confidentialité ou causer des dommages à la réputation. Cette situation crée un paradoxe pour les régulateurs : plus l’IA devient puissante, plus il est difficile d’assurer la conformité aux lois sur la protection des données.
Comme vous le voyez, bien que la souveraineté numérique qui vise à donner aux nations et aux individus le contrôle de leurs données est mise à rude epreuve dans le contexte de l’IA Generative. La façon dont les modèles GenAI absorbent et régénèrent potentiellement des informations sensibles présente de nouveaux risques. Le manque de mécanismes infaillibles pour prévenir l’exposition d’informations à caractère personnel, ainsi que la nature globale et décentralisée du développement de l’IA, rendent de plus en plus difficile l’application des cadres traditionnels de souveraineté des données dans l’ère de la GenAI.
Nous devons donc repenser notre approche traditionnelle de la souveraineté des données, car d’autres ont déjà commencé à réfléchir à ces enjeux dans l’ère de l’IA générative. Il s’agit entre autres de l’Inde, du Japon et bien entendu de la Grande Chine qui, incontestablement, dominera les prochaines avancées en IA Generative.
Dr Wendkuuni Moise Convolbo