Sur les eaux calmes du barrage de Tanghin, à Ouagadougou, une silhouette inhabituelle attire les curieux. Il s’agit d’un bateau flambant neuf, robuste, construit au Burkina Faso. Cette réalisation est l’œuvre de Bassibri Christophe Ilboudo.
Ce projet unique est un rêve d’enfant nourri lors d’un voyage à Cuba dans les années 1980, grâce à une initiative du président Thomas Sankara. Adolescent, Bassibri Ilboudo avait été impressionné par un gigantesque navire à quatre étages, le « Commandant Pinard », qui l’avait transporté jusqu’à l’île de la Jeunesse. C’est ce souvenir qui a planté la graine de son ambition de construire un bateau.
Bien que passionné par la construction navale, il n’a pas pu en faire son métier, le Burkina Faso n’étant pas un pays côtier. Il s’est alors tourné vers l’électromécanique, se spécialisant dans le rebobinage industriel des moteurs électriques un choix qui lui permet aujourd’hui de financer ses projets personnels.
Construit en 45 jours, ce bateau de 15 mètres de long, 5 mètres de large et pesant près de 7 tonnes a été assemblé sans atelier, dans des conditions très contraignantes. L’équipe travaillait uniquement la nuit, de 17h à 4h du matin, pour éviter l’exposition aux produits chimiques utilisés dans la fabrication.
Le transport de l’embarcation, une fois terminée, a lui aussi été un véritable défi. Il a fallu solliciter la mairie pour une escorte et même scinder le bateau en deux afin de contourner les câbles électriques, avant de le ressouder sur place.
Fruit d’un partenariat avec le ministère en charge des Ressources animales et halieutiques, le bateau a été conçu pour faciliter la récolte de poissons dans les cages flottantes des barrages. Les pirogues actuelles ne sont pas adaptées à cette tâche. L’ajout d’une grue permet de soulever plus facilement les cages et d’améliorer l’efficacité du travail.
Mais le projet ne s’arrête pas là. Le bateau est également pensé pour devenir une attraction touristique. L’intérieur est confortable et des sièges seront installés sur le pont pour accueillir les visiteurs.
Le bateau est fabriqué à partir de fibre de verre, résine, bois et métal, et fonctionne grâce à un moteur Mercedes couplé à des hélices. Il est également équipé de panneaux solaires qui alimentent les équipements à bord. Côté sécurité, tout est prévu : gilets de sauvetage, barrières et extincteurs.
Seul bémol : le moteur, jugé trop faible. « Il fonctionne, mais il faudrait un modèle plus puissant pour un rendement optimal. Pour cela, il nous manque les moyens », reconnaît l’inventeur, qui lance un appel au gouvernement pour soutenir son initiative.
Bassibri Ilboudo surnommé « l’homme qui fabrique tout sauf les cercueils » ne compte pas s’arrêter là. Il détient un permis de navigation et envisage de créer une école de formation pour les futurs pilotes de bateaux. S’il reçoit des commandes, il est prêt à produire d’autres modèles, et même des versions encore plus ambitieuses : « On peut aller plus loin, pourquoi pas des bateaux avec piscine intégrée ! »
Pour l’heure, l’embarcation n’est pas encore ouverte au public. Mais son concepteur espère que cela changera bientôt, afin que les Burkinabè puissent venir découvrir ce fleuron local en toute sécurité.
« Ce bateau, c’est l’accomplissement d’un rêve d’enfant. Mais je ne serai vraiment satisfait que lorsqu’il sera accessible à tous », conclut-il avec espoir.
Source : Burkina 24.