JO 2024 : Pourquoi n’y a-t-il (presque) pas d’excellents jeux vidéo olympiques

Entre Jeux olympiques et jeux vidéo, le torchon (olympique) brûle. Cette année, le jeu officiel de l’événement a été publié dans l’indifférence générale en avril. La première semaine des JO, Olympics Go ! Paris 2024 (du studio nWay) affichait environ 100.000 téléchargements sur le Google Play Store. Pour comparer l’échec, un obscur jeu Power Rangers des mêmes créateurs cumule 50 millions de téléchargements.

Pourtant, les précédentes éditions ne manquaient pas d’équivalents vidéoludiques. Vingt-deux titres ont été officiellement approuvés par le CIO depuis 1984, sans compter les dizaines d’autres jeux multisports qui n’ont pas le droit d’utiliser l’appellation « olympique ». Vu le succès d’estime de saga comme « FIFA » (devenu « EA Sports FC »), on imagine assez bien qu’offrir aux joueurs des dizaines de discipline ferait un bon jeu. Pourtant, spoiler : il n’en est rien.

« Produit phare de la jeunesse »

La rétrospective commence dans les années 1980, avec les JO de Los Angeles et Hyper Olympic ’84, le premier jeu à recevoir une labélisation officielle. « Et ce n’est pas un hasard, car ce sont les premiers jeux privés, qui ont pour objectif de faire des bénéfices, rappelle Flavie Falais, doctorante à l’université de Limoges qui a signé, entre autres, un article académique sur les interactions entre Jeux olympiques et jeux vidéo. Cette olympiade développe une stratégie économique avec le sponsoring, les droits TV et, donc, les jeux vidéo, qui sont déjà à l’époque le produit phare de la jeunesse. »

Hyper Olympic ’84 relève un peu de la préhistoire du jeu vidéo. Il se joue sur une borne d’arcade avec trois boutons, et les sept disciplines se résument à appuyer sur les boutons le plus vite possible (natation, triple saut, haltérophilie) ou au bon moment (tir, gymnastique, tir à l’arc, et saut à la perche). Les prochaines olympiades passent à un autre niveau, avec des jeux spécifiquement commandés, ainsi que des opus pour les jeux d’hiver. Malgré l’arrivée de la 3D, la possibilité de jouer de vrais athlètes ou de créer un avatar personnalisé, la hype ne décolle pas. « Ce sont des jeux de commande qui ne fonctionnent pas forcément très bien commercialement et qu’on ne va pas retenir », poursuit Flavie Falais.

Mario, médaille d’or des ventes

Comme dans la vraie vie, ce sont les Jeux de Pékin qui vont rebattre les cartes. « Tout change avec Mario & Sonic aux Jeux olympiques en 2008, qui se vend à 15 millions d’exemplaires », estime Flavie Falais. Les deux mascottes sont à l’affiche d’un jeu encore plus familial qu’avant, avec des variantes d’épreuves plus fantaisistes, façon Mario Kart. « L’objectif, c’est de rajeunir le public et de faire des jeux qui ne seront pas controversés, poursuit la doctorante. Plus, c’est un grand coup de com de réunir les deux personnages rivaux. Le jeu surfe aussi sur le carton de Wii Sports. »

Mais cette nouvelle franchise s’essouffle, elle aussi. Le premier épisode représente à lui seul la moitié des ventes de toute la licence. Après une absence en 2022 et en 2024, le média Eurogamer a confirmé que le CIO avait abandonné le partenariat pour explorer d’autres filières, comme les NFT, l’e-sport ou les jeux mobiles, « qui rapportent énormément sans coûter cher », analyse Flavie Falais.

En parallèle, d’autres jeux officiels en dehors de « Mario & Sonic » ont aussi essayé de prendre ce créneau grand public. « Le public que nous visions, en plus des fans de Jeux olympiques évidemment, étaient les gens qui voulaient avoir un vrai control sur les personnages à l’écran, explique Jim Woords, actuel vice-président du studio Sumo Digital UK et directeur de London 2012. Les épreuves de natation, où nous avons créé des contrôles qui reproduisaient les mouvements de nage sur la manette, étaient un bon exemple. »

L’e-sport prend le relais

La flamme olympique est presque éteinte chez les développeurs de jeux. Et malgré un succès de niche pour London 2012 auprès de certains créateurs de contenus français, aucun épisode ne s’est jamais imposé comme un incontournable. Aucune tentative pour mettre l’accent sur les jeux d’équipe moins connu, ou pour pousser un aspect stratégique et gestion comme Football Manager n’a pointé le bout de son nez. « Les développeurs n’ont pas forcément actualisé le gameplay, malgré l’ajout de nouvelles épreuves, suggère Flavie Falais. L’aspect multisport fait qu’on ne creuse pas chaque discipline, ce n’est pas forcément passionnant. » « Nous voulons des jeux accessibles mais profonds – “easy to play hard, to master”. Essayer de faire ça sur plus de 20 jeux uniques est non seulement difficile à implémenter, mais aussi très dur pour les joueurs », abonde le directeur de London 2012.

Enchaîné à leur année de sortie jusque dans le titre, « ces jeux ne fonctionnent pas sur la durée, on y joue surtout pendant l’événement qu’ils accompagnent, ajoute Flavie Falais. Ce sont des produits d’appels et des moyens de marchandisation du label ». Jim Woords renchérit sur les contraintes dans lesquels sont produits ces jeux. « Le plus grand défi dans le développement était la date inamovible », se souvient-il.

La torche semble avoir été passée à l’e-sport. « Je pense qu’il y a une opportunité en séparant et spécialisant chaque jeu, à la manière des Jeux olympiques traditionnels, imagine Jim Woods. Après tout, personne ne demanderait à un champion du lancer de disque d’être aussi champion de tennis de table. »

Après des longues années de dissension, et des premières tentatives complètement boudées par les joueurs et les spectateurs en raison du choix des JO, le CIO repart à l’attaque. Il a annoncé, quelques jours avant l’ouverture de Paris 2024, des Jeux olympiques de l’e-sport dont la première édition se tiendra en Arabie saoudite en 2025. Mais « ça n’a pas été fait pour l’amour du jeu vidéo. C’est pour diversifier les plates-formes de diffusion et les publics, note Flavie Falais. Et le choix de l’Arabie saoudite est paradoxal avec les objectifs affichés de diversité de genres et d’orientations sexuelles. » Consolation : « Le jeu vidéo est de plus en plus mis en avant dans les pays hôtes, comme lors de la cérémonie de clôture de Tokyo, ou celle d’ouverture de Paris. »

Source: 20 minutes

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