« Le client est roi », dit-on. Mais chez Canalbox, filiale de GVA Burkina, il semblerait que le roi… soit le fournisseur lui-même.
Suite à notre article du 28 mai 2025 sur Canalbox nous avons reçus de nombreux messages. De nombreux clients nous ont contactés, désemparés. Ils ont payé leur abonnement Internet haut débit, mais ne bénéficient d’aucun service fonctionnel. Et, pire encore, leurs plaintes sont ignorées. Chez Zagla, nous avons décidé de rédiger un second article pour comprendre ce qui se cache derrière le silence de Canalbox et la détresse de ses utilisateurs.
Des abonnés en colère, mais réduits au silence
Depuis plusieurs semaines, les témoignages se multiplient : « Connexion inexistante », « service client injoignable », « aucune compensation ». Ces mots reviennent en boucle. Des familles et des professionnels paient des abonnements à hauteur de 15 000 FCFA par mois pour une fibre optique censée offrir 50 MB illimités, mais qui, dans les faits, est devenue un luxe invisible.
Le plus alarmant, c’est le sentiment d’abandon. Aucune communication officielle. Aucun geste commercial. Aucun respect. Comme si les clients n’étaient que des chiffres sur un graphique, et non des citoyens ayant droit à un service pour lequel ils paient.
La face cachée de Canalbox : GVA Burkina, mastodonte du marché
Ce mutisme est d’autant plus inquiétant que Canalbox n’est pas un acteur marginal. Bien au contraire.
D’après les données officielles du 4ᵉ trimestre 2024 publiées par l’ARCEP, GVA Burkina (maison-mère de Canalbox) domine le marché de l’Internet fixe avec 49,18 % de parts, devant Onatel (25,05 %) et Orange Burkina Faso (24,48 %).
En un an, le nombre total d’abonnés à l’Internet fixe est passé de 105 795 à 200 485, soit une hausse spectaculaire de 89,5 %, portée à 97 % par le FTTH (fibre jusqu’au domicile). GVA Burkina, à elle seule, a doublé son parc FTTH, passant de 52 876 à 98 546 abonnés.
Un monopole déguisé ?
En volume de trafic, GVA génère 83,94 millions de Go, soit 40,85 % du trafic national. Une performance technique impressionnante, mais qui masque un autre enjeu : la dépendance croissante des Burkinabè à Canalbox.
De nombreux foyers n’ont tout simplement pas le choix : Orange et Moov ne déploient pas encore la fibre de façon rapide, leur cœur de métier restant la téléphonie mobile. Canalbox, elle, s’est spécialisée dans le FTTH. Résultat : elle est présente dans des zones où la concurrence est absente.
Ce quasi-monopole engendre une situation inacceptable : des clients captifs, sans alternative, condamnés à subir des interruptions, sans excuses ni explications.
Une success story qui tourne au cauchemar
Ironie du sort : au départ, Canalbox était perçue comme une révolution. Grâce au soutien du groupe Vivendi Africa (GVA) et à la synergie avec le réseau commercial de CANAL+, elle avait conquis le cœur des Burkinabè avec des offres abordables et un déploiement rapide de la fibre.
Mais aujourd’hui, cette même entreprise qui a su capitaliser sur la confiance d’un marché en pleine croissance semble oublier ses fondements : la satisfaction du client.
Un marché sans pression, une entreprise sans obligations
En réalité, ce laxisme apparent de Canalbox trouve une explication simple : l’absence d’une concurrence suffisamment rude. Dans un marché concurrentiel, chaque opérateur est naturellement contraint de maintenir un haut niveau de qualité de service pour fidéliser ses clients. Or, au Burkina Faso, dans le secteur de l’Internet fixe par fibre optique, Canalbox bénéficie d’une avance confortable.
Les principaux concurrents, Orange Burkina Faso et ONATEL, restent encore peu présents sur le terrain du FTTH (Fiber to the Home), concentrant leurs efforts sur la téléphonie mobile ou les entreprises. Cette configuration laisse GVA Burkina, à travers sa marque Canalbox, en quasi-monopole sur la fibre résidentielle.
Et qui dit absence de pression concurrentielle, dit moindre incitation à l’excellence. Canalbox n’a pas, à ce jour, de rival capable de lui imposer un véritable challenge commercial. Cette situation de confort peut expliquer pourquoi les plaintes des clients sont ignorées, pourquoi les coupures persistent, et pourquoi les engagements de qualité de service ne sont pas respectés. Parce qu’en définitive, le client mécontent n’a tout simplement pas d’alternative.
Pour une vraie dynamique de marché
Cette réalité pose un enjeu de fond pour les régulateurs comme l’ARCEP : favoriser un environnement plus concurrentiel. Cela passe par la stimulation de l’investissement des autres opérateurs dans la fibre optique, l’accès équitable aux infrastructures, et le renforcement du cadre réglementaire de la qualité de service.
Il est temps de rappeler que le leadership de marché ne donne pas le droit de négliger le client. Bien au contraire, il impose une responsabilité accrue. Car dans tout secteur, la confiance se mérite, mais peut aussi se perdre.
L’accès à Internet est un droit fondamental dans une société numérique. Et à l’approche de la saison des pluies, période critique pour les installations, ce droit doit être protégé avec rigueur.
Chez Zagla, nous continuerons à suivre de près l’évolution de ce dossier. Les Burkinabè méritent mieux que le silence. Ils méritent un service à la hauteur de ce qu’ils paient.
ZAGLA