La sortie d’iOS 18 est marquée par plusieurs évolutions pour Apple Messages (ou iMessage). On y retrouve des réactions enrichies et des options de programmation d’envoi. Surtout, la société semble avoir changé radicalement de position et a amorcé l’implémentation du protocole RCS. De quoi s’agit-il et que s’est-il donc passé ?
GIFs, stickers, réactions, vidéos, audio, les messageries mobiles ne cessent de s’enrichir et certaines d’entre elles ont adopté – ou sont en passe d’implémenter – le protocole RCS. Le message RCS est perçu comme l’avenir du SMS depuis longtemps maintenant. À ce stade, peut-il vraiment bouleverser le marché ?
Qu’est-ce que le message RCS ?
Le protocole RCS – ou Rich Communication Services – a été lancé en 2007 par le GSMA, le consortium chargé de représenter les intérêts des opérateurs mobiles à travers le monde (et l’organisateur officiel du Mobile World Congress). Alors que les SMS n’étaient pas systématiquement illimités, les messageries mobiles indépendantes se généralisaient. BBM chez Blackberry battait son plein, tout comme Skype chez Microsoft et Talk chez Google. Et puis, Apple lançait iMessage sur son premier iPhone. Tous offraient ainsi des alternatives gratuites avec l’envoi de messages via Wi-Fi.
Une initiative de standard
Sans surprise, ces applications n’étaient pas vues d’un très bon œil par les acteurs télécoms. Maintes fois, les opérateurs mobiles ont par exemple demandé à ce que Skype soit imposé des mêmes taxes que celles auxquelles ils étaient assujettis. Alors, sans doute pour entretenir l’illusion d’un opérateur mobile tout-puissant et d’un constructeur maitrisant davantage son système mobile, le GSMA a estimé qu’il fallait mettre des bâtons dans les roues à ces messageries mobiles florissantes.
En d’autres termes, il fallait proposer aux utilisateurs une expérience riche, moderne, et directement intégrée dans l’application de messagerie native des smartphones. Et pour assurer une compatibilité entre différents opérateurs et systèmes mobiles, il devenait nécessaire de mettre en place un protocole standard. Il s’agit cependant d’une opération couteuse avec des retours sur investissement très incertains. C’est sans doute la raison pour laquelle, 17 ans plus tard, les choses peinent encore à avancer.
Qu’est-ce qu’un message RCS peut faire de plus qu’un SMS ?
Un SMS classique, c’est simple, il se compose de 2-3 phrases de texte avec une limite à 160 caractères. Enfin ça, c’est si vous n’utilisez pas d’émoticônes, sinon, il sera tronqué de moitié. Il n’y a pas si longtemps, on payait 50 centimes pour ça.
Avec les messages RCS, les limites sont mises en place par les opérateurs mobiles et diffèrent selon l’implémentation du protocole sur leur infrastructure. Globalement, les avantages sont nombreux :
- Des conversations enrichies, sans limite théorique de nombre de caractères.
- Un accusé de réception et de lecture.
- Le partage de média en haute qualité : photos, vidéo, GIF, Stickers…
- Le partage de fichiers jusqu’à généralement 100 Mo.
- Le partage de sa géolocalisation.
- Des options d’interaction, par exemple pour ajouter un emoji à un message.
- Des fonctionnalités d’appels vocaux ou vidéo.
- La possibilité de créer des groupes de discussions avec plusieurs participants.
- La possibilité de chiffrer les messages.
Le message RCS, c’est donc le SMS à l’heure du smartphone.
L’adoption du message RCS
À lire toute la richesse qu’apporte le message RCS, on pourrait aisément penser que le protocole est généralisé. Avec 2 milliards d’utilisateurs sur WhatsApp, 1 milliard sur Facebook Messenger ou encore 950 millions sur Telegram, on a tous plus ou moins tiré parti de ces fonctionnalités. Et pourtant, aucune de ces messageries n’a implémenté RCS. Ils ont simplement embarqué ces diverses interactions de manière propriétaire dans leurs applications. Plus précisément, ils les ont inventées et le message RCS tente maintenant de les standardiser.
Google ouvre la voie
À l’heure actuelle, le porte-parole de RCS reste Google. La multinationale a implémenté le protocole au sein de son application Google Messages. Au fil des années, la firme californienne s’est attelée à le peaufiner pour assurer le chiffrement ou optimiser le transfert des photos. Le RCS est également adopté par les messageries des constructeurs de smartphones comme Samsung, Xiaomi ou Huawei.
Pour l’instant, RCS rime donc avec Android, mais Apple devrait bientôt rejoindre le mouvement avec le lancement d’iOS 18. Pourtant, la firme de Cupertino n’en avait absolument pas l’intention. Apple pousse depuis toujours l’utilisation de sa messagerie propriétaire iMessage. Les ingénieurs ont notamment fait un choix de design très précis pour dégrader l’expérience utilisateur de ses clients lorsqu’ils discutent avec une personne sur Android. L’iPhone affiche alors des bulles vertes avec un texte presque baveux en comparaison avec le bleu contrasté d’iMessage.*
Le cas d’Apple et de Meta
Apple n’a pas subitement changé d’avis. La décision d’implémenter RCS dans iMessage survient après la mise en application du Digital Markets Act qui impose, entre autres, des obligations d’interopérabilité entre les plateformes au sein de l’Union européenne. Pour la société de Tim Cook, il s’agit donc de montrer patte blanche en adoptant le protocole pour éviter tout d’abord des sanctions, mais surtout de devoir ouvrir sa messagerie à Android ou Windows, voire d’accueillir des app concurrentes au sein d’iMessage. Une autre tactique pour Apple serait de permettre la lecture et l’envoi des messages directement depuis iCloud.com et donc de rendre le service accessible sur les autres plateformes.
Également assujetti au DMA, le géant communautaire Meta planche de son côté sur l’intégration de messageries tierces au sein de WhatsApp. À l’heure où nous écrivons ces lignes, la fonctionnalité est encore expérimentale, mais devrait permettre aux utilisateurs de sélectionner les autres messageries installées sur son smartphone pour les intégrer à l’application phare de Meta.
Il n’y aura jamais d’interopérabilité totale
En théorie, si toutes les messageries reposaient sur RCS, elles seraient toutes interopérables. Un utilisateur de Signal pourrait donc appeler des amis sur WhatsApp, partager sa géolocalisation avec iMessage ou transférer un fichier sur Telegram. Il faudrait bien évidemment que le protocole soit implémenté de la même manière sur l’ensemble des réseaux mobiles. Cela signifie par ailleurs la mise en place d’un niveau de chiffrement identique sur toutes les messageries. Si on suit la logique, dans ce cas de figure, toutes ces messageries mobiles n’auraient finalement plus aucun intérêt. Au mieux, elles feraient simplement figure de skin à une messagerie standard, livrée par défaut avec le smartphone.
Les principaux acteurs sur le marché ne se contenteront bien évidemment pas d’une telle situation. L’imposition d’un standard complet casserait également les innovations apportées par chacune d’elles. Il y aura donc inévitablement toujours des disparités avec parfois une intégration des applications d’un écosystème spécifique, parfois des travaux sur des fonctionnalités particulières (chiffrement accru, IA générative, réalité augmentée…).
Les choses iront donc doucement. Pour iOS 18, Apple promet la possibilité d’envoyer des images en haute qualité ou des enregistrements audio ainsi que des accusés de réception et de lecture pour les utilisateurs d’Android envoyant des messages vers un iPhone.
Finalement, il s’agirait de répliquer l’évolution de l’email, établi sur de solides standards, mais avec les particularités apportées par les fournisseurs de boites mail.
Un petit pas pour plus de sécurité
Un point crucial concerne la sécurité. Aujourd’hui, le SMS n’est pas du tout sécurisé. Il n’est pas chiffré de bout en bout. Il peut donc être lu par les opérateurs mobiles ainsi que par un tiers. Le protocole SS7 sur lequel repose le SMS présente plusieurs vulnérabilités qu’il est possible d’exploiter avec des dispositifs imitant des antennes relais pour intercepter les communications. C’est la raison pour laquelle il n’est pas jugé judicieux de choisir le SMS pour recevoir un code de connexion à un site protégé par la double authentification.
De fait, si déjà le message RCS pouvait simplement remplacer le SMS, ce serait donc une belle avancée.
Source: Clubic