« Notre vision repose sur une technologie discrète, au service du luxe. Nous n’avons pas pour ambition de vendre des solutions. » Quelques jours avant le top départ du plus grand salon européen dédié à la tech, Gonzague de Pirey, chief omnichannel et data officer de LVMH, martèle que les innovations numériques doivent rester en arrière boutique. Il détaille que le groupe de Bernard Arnault utilise l’innovation digitale pour plusieurs axes stratégiques comme la créativité, la traçabilité, l’efficacité industrielle ou encore l’expérience client et collaborateur.
Être référencé par les IA
Sans grande surprise, l’intelligence artificielle générative représente un axe de travail majeur pour LVMH. Les équipes créatives des différentes maisons l’utilisent déjà, sans pour autant que la technologie ne prenne le pas sur l’humain. Gonzague de Pirey précise d’ailleurs que les créateurs des différentes maisons ne sont jamais contraints par les prévisions de ventes : « Cela créerait une standardisation de la création, c’est un oxymore », s’amuse-t-il. Pour ses outils au service de l’efficacité opérationnelle, LVMH s’appuie sur sa propre intelligence artificielle développée en interne : MaIA. Cependant, pour tout ce qui touche au contact avec les clients, le groupe international se doit d’apprivoiser les chatbots les plus utilisés par les consommateurs.
En effet, alors que les requêtes Google devraient baisser de 25% d’ici à 2026 selon une étude Gartner, les clients entament un virage décisif vers la navigation web via les outils d’intelligence artificielle (ChatGPT, Perplexity, Grok…). De plus, l’arrivée récente de ChatGPT Shopping en France pourrait encore rebattre les cartes.
Pour LVMH, ce changement des habitudes représente un enjeu, car le groupe doit désormais comprendre et exploiter un référencement d’un nouveau genre. Pas d’inquiétude pour Franck le Moal, CIO de LVMH, qui précise : « Si notre SEO est bon, nous avons déjà fait 80% du travail. » Il précise cependant que le véritable défi est d’adapter le vocabulaire utilisé : « Comme les requêtes ChatGPT se font en langage naturel, nous devons employer un lexique qui correspond à toutes les générations représentées dans notre clientèle. »
Pour comprendre les subtilités algorithmiques des outils d’IA, le groupe travaille en étroite collaboration avec OpenAI, qui lui présente aussi en avant-première ses innovations à venir afin de permettre une forme d’anticipation. Gonzague de Pirey précise cependant que, malgré la montée en puissance de l’IA Grok, le groupe n’est pas en contact direct avec X (l’entreprise d’Elon Musk, anciennement Twitter).
S’inspirer de l’expérience client asiatique
Si en Europe les tendances omnicanales impliquant l’IA générative et les réseaux sociaux sont encore embryonnaires, ce n’est pas le cas pour l’Asie. Franck le Moal constate une adoption bien plus rapide et fluide des technologies par les consommateurs asiatiques, mais surtout une forte interpénétration entre les différentes plateformes sociales. Il mentionne une collaboration avec Red, l’équivalent chinois d’Instagram, qui permet aux utilisateurs de l’application de prendre directement rendez-vous avec un conseiller Givenchy en magasin. Il leur est même permis de passer sur Wechat (équivalent de Whatsapp) pour des discussions plus approfondies. « Les pays asiatiques sont très avancés sur ce type d’expérience client, pointe Franck le Moal. Nous apprenons d’eux, mais ce sont des processus difficiles à déployer en France. »
Malgré tout, des projets devraient rapidement voir le jour, notamment pour ce qui est de l’investissement du TikTok Shop par les marques de beauté du groupe. Gonzague de Pirey précise : « Aux États-Unis, Benefit et Fenty Beauty font de très belles performances sur cette plateforme, nous avons l’espoir de résultats similaires en Europe. » Pour l’heure, les comptes TikTok des deux marques présentent des vitrines vides. Affaire à suivre.