Les réseaux sociaux, autrefois conçus pour connecter les individus, sont aujourd’hui devenus le théâtre quotidien d’injures et de discours haineux, notamment à caractère religieux. Il ne se passe plus un jour sans qu’une vidéo, un commentaire ou une publication ne véhicule des propos violents ou discriminatoires.
Ce phénomène touche particulièrement Facebook et TikTok, devenus des espaces privilégiés pour la propagation de ces contenus, malgré les efforts des structures, comme la Brigade centrale de lutte contre la cybercriminalité (BCLCC), qui ne cesse de rappeler les règles et de sanctionner les dérives.
Les réseaux sociaux : un terreau fertile pour la haine
1. La viralité et l’anonymat comme accélérateurs
La nature virale des réseaux sociaux favorise une diffusion rapide et massive des discours haineux. Pire encore, l’anonymat partiel ou total offert par ces plateformes pousse certains utilisateurs à tenir des propos qu’ils n’oseraient jamais exprimer dans la sphère publique réelle.
Aujourd’hui, il n’est plus rare de voir :
- Des enfants insulter leurs aînés,
- Des adolescents manquer de respect à leurs parents,
- Des adultes s’invectiver sans retenue.
Ces comportements traduisent une perte de repères et une forme de déresponsabilisation généralisée.
2. Le rôle des algorithmes
Les algorithmes des réseaux sociaux, conçus pour maximiser l’engagement des utilisateurs, amplifient la visibilité de contenus émotionnellement chargés, y compris les discours haineux. Ils exposent ainsi davantage de personnes à ces contenus, parfois sans qu’elles ne les recherchent activement.
3. Une dimension transnationale qui complique la régulation
Internet étant sans frontières, de nombreux contenus problématiques sont hébergés dans des pays où les lois sont plus permissives. Cela rend difficile leur suppression, même en cas de signalement. De plus, lorsque les auteurs de ces propos vivent à l’étranger, la BCLCC se heurte à des limites juridiques qui nécessitent une coopération internationale, souvent lente et complexe.
Liberté d’expression vs discours de haine : un équilibre délicat
La lutte contre les discours haineux religieux sur les réseaux sociaux soulève une tension majeure entre deux principes fondamentaux :
- La liberté d’expression, consacrée par l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen,
- Et la protection contre les discriminations et les atteintes à la dignité humaine.
Critiquer une religion ou une croyance est un droit dans une société libre. Cependant, ce droit n’est pas absolu : il peut être encadré pour protéger l’ordre public, éviter l’incitation à la haine et préserver le vivre-ensemble.
Dans l’univers numérique, cet équilibre est encore plus difficile à maintenir. La vitesse de diffusion, la difficulté d’évaluation de l’impact, et le manque de transparence des plateformes rendent toute régulation complexe.
Responsabilité des utilisateurs : un devoir citoyen
Il est essentiel de rappeler que chaque internaute est légalement responsable des contenus qu’il publie, partage ou commente. Poster une vidéo ou un message incitant à la haine ou à la violence religieuse expose à des sanctions pénales. La modération des contenus ne concerne pas uniquement les plateformes : elle commence par les utilisateurs eux-mêmes.
Quelles pistes de solution ?
1. L’éducation numérique : un levier essentiel
Former les citoyens à un usage responsable du numérique est primordial. Des programmes d’éducation aux médias, à la citoyenneté numérique et au respect d’autrui peuvent permettre aux internautes de :
- Reconnaître les discours haineux,
- Développer leur esprit critique,
- Adopter des comportements respectueux en ligne.
2. Des mécanismes de régulation plus inclusifs
Certaines initiatives montrent la voie, à l’image du Conseil de surveillance de Facebook, composé d’experts et de membres de la société civile. Bien que perfectibles, ces dispositifs offrent une régulation plus nuancée que celle imposée uniquement par des algorithmes ou des intérêts commerciaux.
Repenser l’espace numérique pour préserver le vivre-ensemble
L’incitation à la haine religieuse sur les réseaux sociaux constitue un défi majeur de notre temps. Il exige une réponse multidimensionnelle : juridique, éducative, éthique et technologique.
Protéger la liberté d’expression tout en luttant efficacement contre la haine religieuse est possible, à condition d’agir collectivement :
- En responsabilisant les utilisateurs,
- En renforçant la coopération internationale,
- Et en construisant un numérique plus respectueux des droits humains.
C’est à ce prix que nous pourrons préserver un espace numérique ouvert, pluraliste, mais surtout humain.
ZAGLA