Les nouvelles décisions de l’ARCEP ne concernent pas uniquement les consommateurs. Elles touchent aussi les revendeurs de crédit téléphonique, un maillon essentiel mais souvent invisible de la chaîne commerciale des opérateurs. Présents dans tous les quartiers du Burkina Faso, ces acteurs tentent aujourd’hui d’évaluer l’impact concret de l’allongement de la validité du crédit, de l’ouverture des bonus vers tous les réseaux et de la récupération des données expirées. Entre espoir, prudence et appréhensions, les témoignages montrent que la transition ne sera pas sans conséquences pour leur activité quotidienne.
Aïcha Nikièma, gérante d’un point de recharge, accueille ces mesures avec un sentiment partagé. Elle se réjouit pour les clients, qui perdront moins de crédit, mais craint une baisse de la fréquence des recharges. « Les clients déposaient souvent 500 ou 1000 F CFA juste pour tenir la journée. Si leur crédit dure maintenant plus longtemps, ils vont recharger moins souvent, c’est sûr », confie-t-elle. Malgré tout, Aïcha reste optimiste : selon elle, « un client satisfait revient toujours », même si les volumes de vente diminuent. Elle préfère servir des clients moins frustrés mais plus fidèles, quitte à revoir son modèle économique.
Au marché de la Cité An II, Daouda Bikienga, revendeur depuis plus de dix ans, estime que ces réformes vont réduire les disputes régulières avec certains clients. « Beaucoup revenaient fâchés parce que leur crédit disparaissait trop vite. Là, franchement, ça va nous aider », affirme-t-il. Toutefois, il admet que les temps ont changé. « Dans les années 2010, je pouvais faire une recette de 200 000 F CFA par jour. Aujourd’hui, si tu gagnes 10 000 F CFA, c’est comme si tu avais gagné 200 000 F à l’époque », raconte-t-il. Pour lui, les mesures de l’ARCEP sont positives, mais elles obligeront les revendeurs à s’adapter à un marché déjà en difficulté.
Du côté du commissariat de Bogodogo, un revendeur du nom de Fatage, analyse la situation avec prudence. Il considère la récupération des données expirées comme « une révolution pour les clients, mais une potentielle perte pour les opérateurs et les vendeurs ». Selon lui, si les opérateurs perçoivent une baisse de leurs gains, ils pourraient revoir les commissions accordées aux revendeurs. Ce qui, à terme, fragiliserait encore davantage les petites boutiques. Pour élargir les points de vue, nous avons rencontré Fatimata Zongo, vendeuse d’eau qui propose du crédit dans les gares routières de Ouagadougou. Contrairement à d’autres revendeurs, elle voit dans la réforme une opportunité. « Les clients n’aiment pas les pertes. Si l’ARCEP les protège mieux, ils vont recommencer à faire confiance au système et recharger plus volontiers. Moi, je préfère qu’ils reviennent avec le sourire plutôt que de m’éviter », déclare-t-elle. Pour Fatimata, le secteur pourrait même se professionnaliser si les opérateurs décidaient d’accompagner la mise en œuvre de ces nouvelles règles.
A la Zad, Julien Kaboré, jeune revendeur qui combine ventes de crédit et services de transfert d’argent, évoque quant à lui la nécessité de diversifier les activités. « Le crédit seulement, ce n’est plus rentable. Avec les nouvelles règles, il faut trouver autre chose pour compléter. Moi, je fais du transfert mobile, des photocopies et bientôt je vais ajouter la vente de cartes SIM », explique-t-il. Il estime que les mesures de l’ARCEP ne vont pas tuer le métier, mais pousser les vendeurs à se moderniser et à ne plus dépendre uniquement du crédit téléphonique. Dans l’ensemble, les revendeurs reconnaissent que les décisions de l’ARCEP constituent une victoire pour les consommateurs, mais ils restent attentifs à leurs effets sur leur économie quotidienne. Entre fierté de voir les clients mieux protégés, inquiétudes liées à une possible diminution des ventes et nécessité de s’adapter, le secteur s’accorde sur un point : un accompagnement des opérateurs et une meilleure communication seront indispensables pour amortir la transition. Car si les consommateurs gagnent en pouvoir d’achat, les revendeurs espèrent eux aussi ne pas être laissés de côté dans ce nouveau paysage des télécommunications.
Zagla média


