Depuis hier, le post de Julio Lucrèce BAZI a secoué les timelines burkinabè : “Je choisis de ne pas promouvoir les paris sportifs.” En quelques heures, la publication est devenue virale. Applaudi par certains pour son sens éthique, critiqué par d’autres pour ce qu’ils perçoivent comme de la pruderie morale, le message du créateur de contenu a ouvert une brèche dans un débat plus profond, plus urgent : celui de l’éthique numérique dans un contexte de précarité, de jeunesse désorientée et d’influence algorithmique.
En tant que média spécialisé dans les technologies et leur impact sur nos sociétés, nous estimons qu’il est temps d’aller au-delà de la polémique émotionnelle pour poser les bonnes questions :
➡️ Comment les technologies transforment-elles la pratique des paris ?
➡️ À qui profite réellement ce “boom” ?
➡️ Et surtout, comment éviter que le numérique ne devienne un piège pour une jeunesse déjà vulnérable ?
Le numérique, catalyseur d’un phénomène explosif
Les paris sportifs ne sont pas nouveaux. Mais ce qui a changé, c’est leur numérisation à outrance. Aujourd’hui, il suffit d’un smartphone, d’un forfait data et d’un peu d’espoir pour accéder à des plateformes ultra-léchées, addictives, et agressivement marketées.
🎰 En un clic, on peut parier sur un match au fin fond de la Ligue slovène, 24h/24.
🎯 En un swipe, on reçoit des “cotes boostées” sur des affiches alléchantes.
💬 En un scroll, on tombe sur des influenceurs qui exhibent leurs gains supposés, incitant des milliers de jeunes à “faire pareil.”
Ce n’est plus du hasard : c’est une ingénierie comportementale pensée pour capter votre attention et votre argent.
Une économie parallèle… bâtie sur la précarité
Dans un pays où plus de la moitié de la population a moins de 25 ans et où le taux de chômage et de sous-emploi reste élevé, les paris sportifs s’imposent comme une illusion de réussite rapide. Le “pari du jour” devient une routine quotidienne. On parie avec son argent de transport, de son repas , de ses études et de son salaire… On emprunte pour “se refaire”. On ment à ses proches. On perd. On recommence.
C’est la spirale bien connue de l’addiction comportementale. Et pourtant, très peu en parlent. Pourquoi ? Parce que derrière ce système, il y a un business très rentable. Plateformes étrangères, entreprises locales de communication, influenceurs rémunérés, tous profitent de ce marché florissant. Loin d’être un simple “jeu”, les paris sportifs sont un produit financier à haut risque, vendu à des personnes souvent non préparées à en comprendre les conséquences.
L’influence, c’est aussi une responsabilité
Le message de Julio Lucrèce BAZI a le mérite d’être clair : refuser l’argent facile pour préserver ses valeurs. Et dans un environnement numérique où tout se monétise, c’est un acte fort.
Car soyons honnêtes : les partenariats avec les maisons de paris pullulent. Et ils sont lucratifs. Certains créateurs gagnent en un mois ce qu’un fonctionnaire gagne en un an, juste en promouvant des codes promo. Le problème ? Ils vendent un rêve qui détruit des vies.
Quand un influenceur vante une plateforme de paris, il ne montre jamais ceux qui ont tout perdu. Il ne parle pas de l’addiction, de la dépression, ni des familles brisées. Il ne montre que les gains, les billets de banque, les voitures de location, les montres brillantes.
En réalité, il contribue à banaliser un comportement à risque, sous couvert de divertissement.
La transformation durable
Ce que la prise de position de Lucrèce BAZI nous rappelle, c’est que le numérique n’est pas neutre. Il peut libérer comme il peut asservir. Il peut enrichir comme il peut appauvrir.
Chez ZAGLA MEDIA LAB, nous croyons que la technologie doit être au service de l’éducation, de l’innovation, de la créativité et de l’autonomisation des jeunes.
Il est temps de rediriger notre attention vers des initiatives comme :
- L’apprentissage des compétences numériques (code, design, IA, etc.)
- L’entrepreneuriat digital
- Les projets sociaux innovants
- La création de contenu responsable
- Les plateformes de microfinancement éthique et transparent
Ce sont ces « paris » qui méritent d’être promus. Des paris sur le potentiel, pas sur la chance. Des paris sur la compétence, pas sur la roulette.
Réfléchir maintenant, pour ne pas réparer demain
Ce débat ne concerne pas que les parieurs. Il concerne chacun de nous, en tant que citoyens numériques, parents, éducateurs, influenceurs, régulateurs et médias.
Nous appelons :
- Les autorités à encadrer fermement les activités de paris en ligne
- Les créateurs de contenu à faire preuve d’éthique dans leurs choix de partenariats
- Les jeunes à se poser les bonnes questions : “Est-ce que ce que je vois est vrai ? Est-ce que je suis en train de parier… ou de perdre lentement ?”
- Et enfin, les entreprises tech à assumer leur responsabilité sociale dans la conception d’outils qui ne détruisent pas plus qu’ils ne construisent.
Le numérique est un levier de transformation extraordinaire. Mais entre de mauvaises mains, il devient un piège. À nous de choisir.
ZAGLA


